"A generous and elevated mind is distinguished by nothing more certainly than an eminent degree of curiosity, nor is that curiosity ever more agreeably or usefully employed, than in examining the laws and customs of foreign nations." (Samuel Johnson)

mardi 19 septembre 2017

Trilingual Swiss Law Dictionary

Déjà auteur du très remarqué Spanish-English Dictionary of Law and Business (2 éd. 2012, disponible sur www.createspace.com), Thomas L. West vient de publier, toujours sur Createspace, un nouveau dictionnaire, intitulé Trilingual Swiss Law Dictionary.

Juriste de formation et ancien président de l’American Translators Association (ATA), Tom West est traducteur juridique et formateur. De grande qualité, ses formations rencontrent toujours un vif succès. Les participants à la dernière édition de l’Université d’été de la traduction financière, qui s’est tenue à Paris en juillet 2016, se souviendront de son exposé magistral sur les difficultés de la traduction juridique du français vers l’anglais. Traduisant du français, de l’espagnol, de l’allemand et du néerlandais vers l’anglais, Tom West a aussi de solides notions de suédois, d’afrikaans et de russe. Dire qu’il est une référence reconnue dans le domaine de la traduction juridique relève de l’euphémisme.

Selon la présentation qui est en faite sur www.createspace.com, son dernier ouvrage, le Trilingual Swiss Law Dictionary, est le premier du genre : « This is the first trilingual dictionary focused solely on Swiss legal terms, translating them from French into German and American English and from German into French and American English ». Le dictionnaire est peut-être le premier dictionnaire trilingue du droit suisse dans la combinaison français/allemand/anglais, mais pas le premier dictionnaire trilingue en général. Le Lexique juridique italien/allemand/français d’Alfredo Snozzi (Helbing Lichtenhahn Verlag, 2015) se classe en effet lui aussi dans cette catégorie, même s’il ne se limite pas au droit suisse : « (…) le lexique est axé principalement sur les droits italien et suisse, mais il fait également référence à la législation et à la terminologie juridique d'autres pays européens, en particulier la France et l'Allemagne. » (www.schulthess.com/buchshop/).

Qu’il soit ou non le premier dictionnaire trilingue consacré au droit suisse, l’originalité du Trilingual Swiss Law Dictionary de Tom West est ailleurs. Bien que la langue de départ, dans les deux parties, soit différente – le français pour la première partie, l’allemand pour la seconde –, la langue d’arrivée dans les deux cas est l’anglais, et c’est là le grand point fort de l’ouvrage : proposer une traduction anglaise systématique des termes allemands et français, accompagnée, le cas échéant, d’une courte explication.

Comme cela est indiqué dans la présentation de l’ouvrage, les traductions proposées sont en anglais américain et non en anglais britannique. À ce sujet, l’auteur apporte quelques précisions dans l’introduction du dictionnaire : «  I have used American terms instead of British ones, e.g. court of appeals (not court of appeal); railroad (not railway); plaintiff (not claimant); disability (not invalidity); elementary education (not primary education). I have also consistently used American spelling (e.g., check, offense, defense, indorsement, labor). »

L’introduction apporte également de précieux éclairages sur la genèse de l’ouvrage. L’auteur y pointe les lacunes des ressources existantes pour mieux mettre en évidence l’originalité du dictionnaire. Il déplore ainsi l’absence d’équivalents anglais systématiques dans TERMDAT, la base de données terminologique de la Chancellerie fédérale, mise en ligne en 2011 (www.termdat.ch). Selon lui, les dictionnaires papier ne valent guère mieux : « For example, although the back cover of the latest edition (2002) of the Wörterbuch der Rechts- und Wirtschaftssprache by Romain/Byrd/Thielecke promises that it contains "Austrian and Swiss legal terminology," those entries are few and far between; indeed, I have never found a Swiss term in that dictionary at all. »

L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, d’un nouveau Code de procédure civile et d’un nouveau Code de procédure pénale a permis d’harmoniser la terminologie au niveau fédéral, mais elle a aussi rendu possible l’élaboration d’un dictionnaire qui n’aurait certainement pas été le même s’il s’était agi de rendre compte de la terminologie antérieure à cette date. Jusqu’en 2011, les 26 cantons suisses avaient en effet leur propre législation, civile comme pénale, et donc leur propre terminologie. Au regard de cette « cacophonie » terminologique, on comprend mieux les difficultés qu’ont dû surmonter les auteurs de dictionnaires antérieurs à 2011.

L’adoption des deux nouveaux codes a entraîné un certain nombre d’aménagements terminologiques dont l’auteur donne deux exemples dans l’introduction : « What was known as an "appel incident" in the former Loi de procédure civile in Geneva is now called an "appel joint" in the federal code, while the term "transport sur place" in Geneva law is now referred to as "inspection". »

L’auteur évoque ensuite deux termes particulièrement susceptibles selon lui de prêter à confusion : « One of these pairs is séquestre/Arrest and saisie/Pfändung, both of which are sometimes translated as attachment. But the first term (séquestre/Arrest) is really the one that refers to "attachment" in the sense of "freezing" an asset, while the second refers to actually seizing and levying execution on an asset. The second pair, appel/Berufung and recours/Beschwerde, are both translated as "appeal" but the first pair refers to an appeal to the highest court in a canton, while the second refers to an appeal to the Swiss Federal Supreme Court ». En guise de conclusion, l’auteur explique qu’il a également indiqué le terme utilisé en France et/ou en Allemagne lorsque celui-ci diffère de la terminologie suisse. En voici deux exemples :

autorisation de séjour (F : carte de séjour)
Aufenhaltsbewilligung
residence permit

contrat d’entreprise totale (F : contrat clés en main)
Totalunternehmervertrag
turnkey contract

Un dictionnaire étant par définition toujours perfectible, le Trilingual Swiss Law Dictionary n’est bien sûr pas exempt de tout reproche. On pourra ainsi regretter l’absence de certains termes propres au droit suisse. Citons par exemple, pour la procédure civile, « cas clairs » (art. 257 CPC) ou « mise à ban » (art. 258 et suivants CPC).

On pourra aussi déplorer, de manière plus générale, le fait que le dictionnaire fasse l’impasse sur l’italien, qui est pourtant l’une des quatre langues officielles de la Suisse.

Ces réserves, somme toute mineures, n’enlèvent rien à la qualité globale du dictionnaire, dont les éclairages permettront certainement d’éviter bien des erreurs de traduction. L’explication fournie à propos du terme « poursuite », par exemple, vient utilement éclairer ce « faux ami » particulièrement vicieux :

poursuite
Betreibung (D: Beitreibung)

debt collection (legal action to enforce payment in cash or the provision of cash coverage by a debtor who fails to meet his payment obligations)

Cette autre entrée fait la lumière sur un autre terme susceptible de prêter à confusion de par sa proximité trompeuse avec une institution française bien connue :

Conseil d’État
Regierungsrat

Council of State (government of one of the French-speaking cantons, except for the République et Canton du Jura, whose government is called le Gouvernement)

Le Trilingual Swiss Law Dictionary rendra assurément de grands services aux traducteurs amenés à traduire des textes juridiques suisses vers l’anglais, mais il permettra aussi aux non-initiés d’accéder à une terminologie qui reste largement méconnue : si la notion d’« accessoriété » vous est étrangère, si vous vous demandez ce que peut être la « maxime des débats » ou la « maxime d’office », ou si le terme « non-entrée en matière » vous plonge dans la perplexité, ce dictionnaire est aussi fait pour vous.

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