"A generous and elevated mind is distinguished by nothing more certainly than an eminent degree of curiosity, nor is that curiosity ever more agreeably or usefully employed, than in examining the laws and customs of foreign nations." (Samuel Johnson)

vendredi 16 septembre 2016


Dictionnaire historique de la langue française

Le Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey (Le Robert, édition de 2006) est un trésor d’érudition qui retrace avec brio la longue histoire de la langue française et évoque les nombreuses péripéties qu’ont connues les mots pour arriver jusqu’à nous.

On trouve dans les pages du dictionnaire de nombreux mots rares (« montueux », « mystagogue ») ou techniques (« calcédoine », « moraille »), mais beaucoup d’entrées sont aussi l’occasion de faire mieux connaissance avec des mots de la langue courante dont on croyait tout savoir mais qui se révèlent finalement riches de mille secrets. Ainsi, nous savons tous que la « lurette » est toujours belle, mais beaucoup découvriront que ce mot est « une forme corrompue de heurette, diminutif d’heure, signifiant ‘petite heure », et que « dans le nord et l’est de la France, on emploie encore il y a belle heurette » (p. 2070). Le dictionnaire éclaire également les injustices dont ont été victimes certains mots : pourquoi, par exemple, le verbe « cachotter », dérivé diminutif de « cacher », n’a-t-il pas réussi à s’imposer quand « cachottier » et « cachotterie » ont connu un tel succès ?

Cet ouvrage, dont on devine le travail de recherche colossal qu’il a dû nécessiter, est une mine d’or pour les linguistes, mais aussi pour les jurilinguistes. Les entrées sur lesquelles s’ouvre et se ferme la page 1809 intéresseront tout particulièrement ces derniers.

On apprend ainsi, à l’entrée « inculper », que le mot « inculpé » a d’abord « signifié ‘accusé’ en général (1611) », avant de devenir « un terme technique de droit (1810) distinct d’accusé ». Par ailleurs, « le moyen français connaissait inculpé au sens d’‘irréprochable, innocent’, emprunt au latin classique inculpatus ». Ajoutons qu’en droit français, le terme « inculpé » a été remplacé par « mis en examen ».

La page 1809 se referme sur le verbe « indaguer », qui, « introduit avec le sens étymologique de ‘rechercher’, est sorti d’usage en France après le XVIe siècle », mais « reste vivant en Belgique comme terme de droit, signifiant ‘mener une enquête judiciaire’ ». Partageant la même racine latine, les mots indagare (enquêter) et indagine (enquête) restent pour leur part des termes de base de l’italien juridique (voir aussi indagar en espagnol).

Ces deux entrées ne sont qu’un aperçu des nombreux trésors que recèle le Dictionnaire historique de la langue française pour le jurilinguiste. Je crois que je n’ai pas fini de butiner dans ses pages, en quête de nouvelles pépites dont je ne manquerai pas de vous faire profiter.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire