« Les échangistes sont tenus de se garantir
mutuellement de l’éviction. Celui qui est évincé a le droit de conclure à des dommages-intérêts
et de répéter sa chose. » (extrait de l’entrée « Échange », E. de
Chabrol-Chaméane, Dictionnaire de
législation usuelle, 1835, p. 389).
Au vu du sens courant du mot « échangiste », cette
citation peut faire sourire mais il ne faut pas oublier qu’« échangiste »
a d’abord été – et reste – un terme juridique. Voici la définition qu’en donne
Cornu : « Échangiste. Celui qui est partie à un contrat d’échange.
Syn. copermutant, coéchangiste. » (Vocabulaire juridique, 10e éd., 2014, p. 380).
Selon le Dictionnaire
historique de la langue française, le mot « échangiste », attesté
dès 1776 dans son acception juridique, n’est entré dans la langue courante que
dans les années 1960 : « ÉCHANGISTE n. et adj. (1776) désigne en
droit et en économie la personne qui est partie dans un échange (...). Le mot
(apr. 1960) se dit aussi de couples qui échangent chacun un partenaire
amoureux, d’où ÉCHANGISME n.m. (apr. 1960). » (p. 1160).
Dans son acception juridique, le terme « échangiste »
semble assez peu utilisé aujourd’hui, du fait sans doute de sa proximité
gênante avec son homonyme de la langue courante. Ses synonymes « coéchangiste »
ou, plus encore, « copermutant », qui figure notamment dans l’article
1703 du Code civil, permettent d’éviter bien des situations embarrassantes.
Ainsi, l’utilisation d’« échangiste » au lieu de « copermutant »
dans cette phrase aurait certainement donné à celle-ci une tout autre saveur :
« la mauvaise foi du copermutant résulte soit de ce qu’il a connu le vice
caché, soit de ce qu’il en a connu ses manifestations » (extrait d’un
arrêt de la Cour de cassation, 2014). Inversement, reconnaissons que cette
remarque aurait eu nettement moins de piquant si le copermutant s’était
substitué à l’échangiste : « Une conséquence ultérieure est que si l’un
des deux échangistes est évincé, il peut reprendre sa chose des mains de l’autre
échangiste. » (Jean-Baptiste Sirey, Jurisprudence
de la Cour de cassation de 1791 à 1813, 1822, p. 98). Le verbe « reprendre »
a ici le même sens que « répéter » dans l’extrait du Dictionnaire de législation usuelle cité
plus haut. Quant à la « chose », votre imagination lui aura déjà fait
son affaire, mais rappelons au passage qu’il s’agit d’un terme de base du
vocabulaire juridique. Si, en common law,
on la rencontre le plus souvent in action
ou in possession, en droit français,
on en vante l’autorité une fois qu’elle est jugée. Ce terme fondamental du
langage du droit mérite une analyse approfondie et j'y reviendrai
ultérieurement. En attendant, bien des choses à vous.
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