"A generous and elevated mind is distinguished by nothing more certainly than an eminent degree of curiosity, nor is that curiosity ever more agreeably or usefully employed, than in examining the laws and customs of foreign nations." (Samuel Johnson)

vendredi 30 septembre 2016

Alors, on échange ?

« Les échangistes sont tenus de se garantir mutuellement de l’éviction. Celui qui est évincé a le droit de conclure à des dommages-intérêts et de répéter sa chose. » (extrait de l’entrée « Échange », E. de Chabrol-Chaméane, Dictionnaire de législation usuelle, 1835, p. 389).

Au vu du sens courant du mot « échangiste », cette citation peut faire sourire mais il ne faut pas oublier qu’« échangiste » a d’abord été – et reste – un terme juridique. Voici la définition qu’en donne Cornu : « Échangiste. Celui qui est partie à un contrat d’échange. Syn. copermutant, coéchangiste. » (Vocabulaire juridique, 10e éd., 2014, p. 380).

Selon le Dictionnaire historique de la langue française, le mot « échangiste », attesté dès 1776 dans son acception juridique, n’est entré dans la langue courante que dans les années 1960 : « ÉCHANGISTE n. et adj. (1776) désigne en droit et en économie la personne qui est partie dans un échange (...). Le mot (apr. 1960) se dit aussi de couples qui échangent chacun un partenaire amoureux, d’où ÉCHANGISME n.m. (apr. 1960). » (p. 1160).

Dans son acception juridique, le terme « échangiste » semble assez peu utilisé aujourd’hui, du fait sans doute de sa proximité gênante avec son homonyme de la langue courante. Ses synonymes « coéchangiste » ou, plus encore, « copermutant », qui figure notamment dans l’article 1703 du Code civil, permettent d’éviter bien des situations embarrassantes. Ainsi, l’utilisation d’« échangiste » au lieu de « copermutant » dans cette phrase aurait certainement donné à celle-ci une tout autre saveur : « la mauvaise foi du copermutant résulte soit de ce qu’il a connu le vice caché, soit de ce qu’il en a connu ses manifestations » (extrait d’un arrêt de la Cour de cassation, 2014). Inversement, reconnaissons que cette remarque aurait eu nettement moins de piquant si le copermutant s’était substitué à l’échangiste : « Une conséquence ultérieure est que si l’un des deux échangistes est évincé, il peut reprendre sa chose des mains de l’autre échangiste. » (Jean-Baptiste Sirey, Jurisprudence de la Cour de cassation de 1791 à 1813, 1822, p. 98). Le verbe « reprendre » a ici le même sens que « répéter » dans l’extrait du Dictionnaire de législation usuelle cité plus haut. Quant à la « chose », votre imagination lui aura déjà fait son affaire, mais rappelons au passage qu’il s’agit d’un terme de base du vocabulaire juridique. Si, en common law, on la rencontre le plus souvent in action ou in possession, en droit français, on en vante l’autorité une fois qu’elle est jugée. Ce terme fondamental du langage du droit mérite une analyse approfondie et j'y reviendrai ultérieurement. En attendant, bien des choses à vous.

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